Etran'Gers
Je
suis arrivé dans cette petite ville un soir d’automne. De la fenêtre de l’hôtel j’apercevais un pigeonnier
de pierre, au loin le soleil se couchait
sur une armée de tournesols fatigués.
Je
venais là pour régler une obscure affaire d’héritage qui était pourtant le
cadet de mes soucis.
Je
dînai à l’hôtel, vêtu d’une chemise mousquetaire. Un Pousse Rapière fût servi
dans le patio, mélange de vin fou et de liqueur d’Armagnac à l’orange. Les
convives semblaient tous étranger, et je n’eus pas l’occasion d’entamer une
conversation avec la jeune femme blonde qui avait attiré mon regard.
Le
lendemain je pris mon petit déjeuner sur la place de la cathédrale. En terrasse on parlait Anglais. Accoudés au bar,
quelques autochtones devisaient.
-Le
lac? Ils vont le faire ?
-hum
on en parle, les géologues sont venus prélever des carottes
-Té !
En tout cas, Le Gilles, des Lugas, il fait du maïs au bord de Gélise, des fois
qu’il serait exproprié, on lui donnera davantage !
- Et
celui de Guinlet, il a mis en jachère pour toucher des subventions !
Sinon, il élève des oies.
-
Gérard ? Tu sais combien il l’a vendu son poulailler aux Anglais ?
Je me
hasarde à poser une question.
-
Lucien, tourne pas le dos au client !
lance
mon voisin de gauche à mon voisin de droite, en rajustant son béret.
-
Pardi ! Ils rachètent tout ici.
- Et
tous les six mois, ils nous piquent un panneau !
- ?
- Té !
Oui : Condom ! Chez eux ça veut dire capote anglaise. On a même un musée
maintenant !
-
C’est l’Europe !
Dans
un éclat de rire ils avalent leur petit blanc.
Sur le
distributeur de cacahuètes, une annonce « Séjours linguistiques : apprenez
l’anglais dans le Gers… »