Cliché d'été indien
Un
peintre pointilliste ne peut donner que de l’amour en pointillé (Juliette)
Accroupie
au coin du bac à douche, la femme
plaque ses mains sur ses oreilles. Dans la chambre, l’homme parle au
téléphone, à une autre femme, dans une autre ville, loin.
Ils
sont allés au bord du fleuve, à la tombée de la nuit. L’air exhalait la douceur
de ces premières journées d’automne. L’eau parfaitement lisse reflétait les
lumières et les ombres des ponts, les bâtiments aux éclairages colorés le long
des berges, les arbres et les dernières lueurs orangées du couchant. Ils
étaient souvent venus séparément à cet endroit auparavant, ils ne l’avaient jamais vu resplendir ainsi. Il a regretté de ne pas pouvoir prendre la
photo. Elle préférait que cette image
s’imprime dans leur mémoire. Ils ont marché.
Elle
se remémore cet homme, autrefois. Ce soir, il a bavardé,
n’a laissé aucune place au silence. Il a proposé qu’elle l’accompagne à son hôtel. Maintenant il parle à un téléphone mobile, elle,
l’attend.
Un sanglot la submerge doublé d’un élan de colère. Elle sort du réduit, saisit
ses chaussures et son sac, lance un regard à l’homme occupé qui s’étonne, part
de la chambre, dévale les trois étages, marche très vite dans la nuit, libre,
elle respire, elle fuit.
Le cœur lourd.