Eros fatigué
une journée de pluie
infusion et bas de soie
vacarme de la rue
Elle
m’a donné rendez-vous place de la Madeleine.
Je
n’ai pas un physique de jeune premier. Des yeux sombres que certaines disent de
velours, des lunettes que j’évite de porter à la première rencontre.
Je
trouve mes contacts sur les messageries instantanées. Dès l’échange écrit,
obtenir un rendez-vous téléphonique. Quinze ans de démarchage m’ont aguerri à
la séduction vocale. Voix chaleureuse et modulée, verbe caressant, je sais
écouter, interroger, émouvoir. Mes
interlocutrices, mal aimées, carencées de la tendresse, malmenées de la vie,
ont connu des maris brutaux, des pères abusifs ou indifférents, des amants
égoïstes.
Je
leur parle, durant des heures, la nuit. Un jour, elles veulent me rencontrer.
Avec l’assurance d’une relation amoureuse. Pas d’échange de photos. Une complicité tricotée dans les phrases. Je me montre
doux et attentif. Regonflées d’affection, rassurées sur leur féminité, elles
finissent par me quitter, ou deviennent trop dépendantes, et c’est moi qui
pars.
Ses
yeux se posent sur moi. Elle me sourit, le regard calme et confiant.
Et si
elle était la dernière ? J’entre.