Crèche glacée
Flute ça caille ici et je suis tout seul. On m’a enlevé mes couvertures, j’ai froid,
je m’ennuie ferme.
J’en
ai assez de poireauter dans cette sacristie. Je peux plus jouer à la bataille
avec le petit berger, écouter le tambourinaire, me rouler sur la laine des
moutons. J’ai vraiment l’air d’un benêt. Chaque année c’est pareil. Mon père et
ma mère font semblant de m’attendre devant un berceau de paille vide, avec le
bœuf et l’âne.
Tout
le monde m’abandonne dans ce coin glacial. Des plombes à attendre. Avec cette
foutue chemise qui me couvre même pas
complètement. Ils l’ont pas repeinte depuis des lustres, elle est toute
transparente, et moi je suis frigorifié.
Aucune distraction, un peu de musique,
quelques voix, et puis l’autre qui passe, s’affuble de vêtements bien chauds,
et me jette un œil attendri.
Quand
ils viendront me chercher il y aura de la lumière des chants. Faudra que j’écarte les bras avec mon sourire béat. Ils passeront tous me regarder d’un air
idiot en pensant à s’empiffrer de chocolats ou de dinde. Les tout petits
essaient de me toucher, avec leurs doigts pleins de morve. Moi j’en ai jamais gouté du chocolat.
Chaque fois il y a une petite blonde avec une
bouille ronde, bien plus jolie que les espèces de crétins d’angelots qui font
les beaux sur le toit. Elle a les yeux bleus, elle passe souvent me voir.
Ses petites mains potelées touchent mes cheveux mes bras, ma chemise. Elle me
tripote l’air de rien, gentiment, et ça me réchauffe le cœur.
Je me demande si elle viendra cette année.
Elle a dû grandir. C’est sans doute une jeune fille. Eglantine.